Dans notre dernier catalogue d’autographes et manuscrits, figure une lettre exceptionnelle de 3 pages de Richard Wagner :
WAGNER Richard [Leipzig, 1813 – Venise, 1883], compositeur allemand.
Lettre autographe signée, adressée au ténor Josef Tichatschek. Paris, le 2 mars 1855. 3 pages in-8° en allemand sur papier vert. « Reçois mille mercis pour ta lettre si affectueuse ! Sache seulement que cela me touche douloureusement de savoir que là où je ne reviendrai pas, quelques cœurs sont toujours près de moi. J’ai déjà entendu parler de votre petit cercle : prenez-moi comme membre et acceptez-moi comme compagnon !
Tes nouvelles m’ont fait très plaisir, le fait que tu doives bientôt chanter Lohengrin est l’accomplissement d’un de mes plus chers désirs. Je tiendrais beaucoup, avant tout à ce que tu puisses chanter ce rôle tellement composé pour toi à Breslau et à Hambourg. Je ne peux savoir exactement comment cet opéra est accueilli à Hambourg ; à Breslau, malheureusement, j’ai appris qu’il est au plus bas, à cause de la nullité du chanteur dans le rôle de Lohengrin. Cela me fait beaucoup de souci de ne pouvoir diriger moi-même cet opéra une fois en Allemagne, car je sais comment on le donne habituellement !
Toi seul peux faire quelque chose pour moi, car tu peux au moins montrer aux gens comment on doit chanter et jouer le rôle principal, qui doit attirer à lui le maximum d’intérêt.
Après ton interprétation de Rienzi, je suis profondément convaincu que ce rôle doit être tout à fait dans ton tempérament ; son caractère doux, brillant, élevé, sa grande force, etc… te réussiront à merveille. A propos de tes capacités vocales, toujours aussi solides, je m’étonne souvent de ton extraordinaire résistance. Je pense en souriant à l’époque, il y a maintenant presque 12 ans, où Lüttichau s’est tellement hérissé à l’idée de reconduire un nouveau contrat de dix ans avec toi.
Mais Röckel disait déjà à l’époque : “Aussi longtemps que Tichatschek vivra, il conservera sa voix, c’est sa particularité”. Tu montres bien la vérité de ce jugement !
Tu me questionnes sur Londres ? S’il m’arrivait de t’y voir, ce serait une très grande joie. Tu peux en être sûr ! Je reste là-bas jusqu’à fin juin, où je dirige le dernier concert le 25 juin. Au reste, je ne m’engage en rien de plus.
L’invitation de la Société Philharmonique m’a fait grand plaisir parce qu’elle est arrivée rapidement et courageusement, comme une revanche sur l’échec de mon ouverture de Tannhäuser lorsqu’elle avait été dirigée par le précédent chef d’orchestre de ces concerts. Comme la Société est déjà terriblement attaquée et insultée de m’avoir choisi, cela me fait un immense plaisir de diriger superbement leurs concerts.
Cependant, je ne donnerai rien ou presque de moi ; cela ne me tente pas de donner en concert des extraits de mes œuvres. Pourtant, si tu venais, et que tu veuille chanter quelque chose de moi, cela me plairait beaucoup, et je serais volontiers prêt à tout. Écris-moi donc un peu plus de nouvelles ! Fischer à mon adresse provisoire.
Je suis encore très fatigué et pris par beaucoup d’obligations parmi lesquelles on veut finalement me retenir à Zürich : même le Tannhäuser, j’ai encore dû le diriger dans ce théâtre ridicule (naturellement pour l’amour de quelques dignes étrangers).
Adieu, salue mes amis de Dresde, et garde dans ton cœur ton ami
Richard Wagner »
Magnifique lettre à l’un de ses principaux interprètes, créateur des rôles-titres de Rienzi et Tannhäuser.
Cette lettre a trouvé un amateur passionné qui a fait aussi un excellent investissement.
Galerie ARTS ET AUTOGRAPHES
Jean-Emmanuel RAUX, expert en autographes et manuscrits
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