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Arts & Autographes

Réf : 31984 LITTERATURE

19 000 €

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CIORAN Emil Michel [Rasinari, Roumanie, 1911 - Paris, 1995], essayiste et moraliste français.

Ensemble de 22 lettres autographes signées

Ensemble de 22 lettres autographes signées, adressées à Mme Laurent. De 1976 à 1990 ; formats in-8° et in-4° principalement ; quelques traces de mouillures sur 6 lettres. — Paris, 22 janvier 1976 : Il a « accepté d’écrire pour une revue un texte assez compliqué. » Il se plaint des difficultés de son âge pour travailler. « Or, le cerveau ne marche pas toujours seul ; il faut l’aider, le fouetter. Je fais exactement le contraire, puisque je vis sur des tisanes, qui l’engourdissent au lieu de le réveiller. » Dieppe, le 24 août 1976 : « La Normandie ne vaut pas la Californie […] d’abord parce que cette ville est boudée par les gens bien, ensuite parce que des amis vous y prêtent depuis longtemps chaque année une appartement somptueux. Simone a passé le mois de juillet en Vendée où elle pense retourner pour une semaine avant la rentrée. Nous sommes curieux d’en saisir plus long sur vos impressions d’Amérique. […] Je relis des ouvrages inactuels à la bibliothèque d’ici, ce qui me donne une vague illusion d’activité. » ; Saint-Julien de Concelles, le 7 août 1977 : ils sont chez des amis. « J’y fais de petits travaux de toutes sortes par plaisir bien entendu, car je suis bricoleur dans l’âme. La seule manière de surmonter un cafard invétéré est de s’adonner à des exercices physiques, plus précisément manuels. […] Le mois de juillet a été terrible pour moi : chaque jour des visiteurs de partout... Un vrai cauchemar. Simone a été malade : elle a attrapé une amibe en mangeant quelque crudité et, pour s’en débarrasser, elle doit faire une cure d’arsenic ! ». Dieppe, le 21 décembre 1977 : « Le “destin” de Dick me poursuit. Gâcher une situation comme la sienne, à cause d’une gourgandine ! Cela peut être beau dans une perspective littéraire, mais lui, n’aimait que l’efficacité et non la poésie du downfall. » Paris, 10 janvier 1978 : « Un seul événement mémorable à la B.B.C, un major survivant du Titanic, fait le récit de la catastrophe avec un détachement extraordinaire. » ; 27 mai 1978 : « De mon côté, je vois tous les jours des gens et je vous assure que je ne suis pas quelqu’un qui mérite d’être envié. La condition des morts n’est pas tellement pénible, eux du moins ne reçoivent plus de visites. J’espère que le fait d’être grand-mère a eu sur vous un effet plutôt tonique. Puisqu’il faut que la vie se perpétue, il vaut mieux que cela se fasse par des êtres qu’on aime. Et non par des Katangais ! ». Paris, le 14 juin 1979 : « Avril et mai, je les ai passés presque entièrement dans ma chambre, à cause d’une grippe et ‘une infection à la gorge. Après m’être soigné moi-même inutilement avec des plantes, il m’a fallu prendre des antibiotiques, ce qui équivaut à une défaite. Simone a été plus chanceuse que moi. » Paris, le 15 novembre 1979 : « L’article du Monde a été écrit par un ami. En revanche le dessin, j’entends la caricature est l’oeuvre d’un inconnu […]. On dirait une tête de rat ! Je ne suis tout de même pas si hideux. Ne croyez pas que je sois tellement content du bruit qu’on fait autour de mon livre. J’ n’y suis pour rien. Ce genre de cirque appartient au paysage parisien, et il faut s’y résigner. ». Dieppe, 23 juillet 1980 : « Je n’insiste pas sur l’anniversaire, car cela invite toujours à des réflexions mélancoliques? Personnellement je n’ai jamais fêté un événement quelconque de ma vie, en tout cas pas celui de ma naissance. » Il annonce que Simone est à la retraite et que l’état de santé de son frère est bon « peut-être trop bon ». Paris, le 29 décembre 1980 : « Je n’ai pas le courage de me réfugier à Dieppe à cause du climat trop vif. J’y dors en effet très mal. Où aller ? ». Dieppe, le 9 février 1682 : « Je suis devenu une sorte de personnage “culturel”, avec tout ce que cela implique de concessions, de cabotinage […]. Cela a commencé à Cologne où je me suis produit devant un public allemand […]. Ce fut un demi-échec. En revanche, invité par l’Institut Français d’Amsterdam, je m’y suis comporté comme un acteur. Il s’agissait d’un dialogue en fait : un professeur hollandais qui posait des questions et j’y répondais comme si je m’étais trouvé sur une scène...[…] La vieillesse nous fait gagner en vanité ce que nous perdons en orgueil. Je suis content d’apprendre que Dick a remonté la pente. J’aimerais bien savoir ce qu’il pense de l’état actuel de l’Europe ». 6 septembre 1981 : Ils sont chez des amis où ils pratiquent le jardinage et le bricolage « Vous écrivez de bien jolies lettres ; la dernière surtout devrait figurer dans vos Mémoires si un jour vous décidez d’évoquer les évènements marquants de votre vie. » Paris, 30 décembre 1984 : « Je me fais le reproche d’avoir très peu lu Mme de Sévigné. Je vais vous imiter, je vais me plonger dans ses lettres ». Paris, le 1er janvier 1986 : « Notre voyage a été une réussite. Ce qui nous a plus surtout c’est Lecce, ville splendide non loin de Brindisi, où nous avons pris le bateau pour la Grèce. Athènes nous a déçus. Il est vrai que j’ai dû y donner deux conférences, ce qui suffit à vous gâcher un voyage. Nous nous sommes arrêtés heureusement quelques jours à Corfou qui, sans les touristes, serait une manière de paradis. » Paris, 15 avril 1986 : « Thank youfor your telegramme. But I am on evening of my birthday ». Paris, le 28 décembre 1986 : « Chacun de nous deux, vu notre âge, a des ennuis de santé plus ou moins sérieux. Simone se plaint des jambes, moi je surveille ma tention et affronte — depuis 25 ans ! — mes ennuis gastriques. » Dieppe, le 30 juin 1987 : « Ma vie est devenue un cauchemar. Aurais-je pu empêcher que les choses tournent de cette façon ? Je n’en suis pas sûr. Le résultat de tout cela est que j’ai perdu toute envie de me manifester et que j’évolue lentement vers une manière spéciale d’abrutissement. » Paris, le 11 avril 1989 : « Au long des années, je n’ai fait que maudire le jour de ma naissance et m’émerveiller en même temps d’être né. Je n’aurais donc pas vécu en vain, et c’est avec joie que je contemple cet investigateur d’optimisme qu’est le Pomerol. » Paris, le 21 février 1990. Il n’ a pas répondu plus tôt à sa lettre : « Mon excuse ? La maladie ou plutôt un état étrange qui relève de la psychiatrie et de la vieillesse. Jusqu’à présent je connaissais la fatigue comme problème, je la connais maintenant comme état. C’est ce qu’on appelle progrès.... J’espère pourtant qu’une amélioration est toujours possible. » Sans date : « Cela pourrait aller si je n’étais pas envahi par mes compatriotes et, ce qui est plus grave, par des “écrivains” d’ici et d’ailleurs qui me demandent des préfaces et d’autres stupidités. » Paris, 24 august : « We would be very pleased to see you again, if you could come to dinner next wednesday th 28. » 6 décembre : « I am very much upset by the news of the death of your husband. I know that you were very happy together ». On joint une lettre de Simone : « Dec 6. Thank you for your beautiful little card. […] I wonder if I could arrange a little dinner sometime next week. I would ask Christiane Frémont. […] We would drink the bottle of ine she brought me some time ago. A ‘82 Saint-Émilion 1er grand cru classé ! ». Nous savons que Mme Laurent était une américaine parisienne grande femme élégante et très amie de Man Ray, habitant le quartier de l’Odéon. Elle croisa Cioran rue de l’Odéon et l’aborda. Il l’invita chez lui dans son petit appartement de la rue de l’Odéon et ils sont devenus amis. A la mort de Cioran, elle resta amie avec Simone la compagne de Cioran.