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Arts & Autographes

Réf : 33439 MUSIQUE

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BERLIOZ Hector [La Côte-Saint-André, 1803 - Paris, 1869], compositeur français.

Lettre autographe signée

Lettre autographe signée, adressée à son oncle Félix Marmion. Berlin 30 mars [1843] ; 4 pages in-8° (21,6 x 13,9 cm) sous chemise demi-maroquin rouge. Belle lettre sur son premier séjour en Allemagne et ses premiers succès à l’étranger. Berlioz, tout juste arrivé à Berlin, confie à son oncle, grand amateur de musique, de nombreux détails sur sa tournée de concerts en Allemagne où son nom résonnait déjà. En 1834, Liszt avait en effet transcrit pour piano la Symphonie fantastique et Robert Schumann faisait son éloge dans la revue Neue Zeitschrift für Musik. Ce “voyage musical” (décembre 1842-mai 1843), dont il rêvait depuis longtemps, verra ses premiers triomphes à l’étranger. « J’ai reçu à Stuttgard votre lettre et vos lettres pour Munich ; malheureusement je n’ai pu profiter des entrées qu’elles me donnaient dans tant de maisons recommandables ; des impossibilités matérielles sont survenues à cette époque, à mes concerts au Grand Théâtre de Munich ; j’ai donc en conséquence décampé au plus vite vers le nord de l’Allemagne, sans visiter la capitale de la Bavière et de la bierre [sic]. Je m’en applaudis tous les jours : plus j’avance et plus je suis festoyé, choyé, adoré et payé. Le Sud n’a pas le sou ; ce sont partout des villes désertes et inertes ; les gens y dorment jour et nuit. je n’ai pas besoin de vous dire que j’utiliserai dans l’occasion vos introductions et que je vous en remercie deux cent et une fois. Vous avez dû lire dans les journeaux [sic] de toutes les couleurs mes bulletins de la grande armée ; le Frrrançais se couvre de lauriers sur toute la ligne, on est content de moi ! Vous avez vu à Dresde les sérénades, à Brunswick les couronnades, les soupers, les vers, les toasts ! à Hambourg d’où j’arrive ils m’ont rappelé deux fois après le concert. C’est ici qu’il faut maintenant faire une charge à fond. Je gagnerais assez d’argent si je n’en dépensais pas si horriblement mais les suppléments d’orchestre que je suis obligé de payer, le transport de ma musique qui pèse 500 livres (vous voyez que ce n’est pas de la musique légère) et les intervalles qu’il faut mettre pour les préparatifs entre chque concert et me font faire de longs sejours partout, me ruinent. Enfin, tout va la cruche à l’eau qu’à la fin elle s’emplit, mais je suis abymé par cette vie de répétitions continuelles, qui comporte néanmoins des satisfactions : À propos de chanteurs j’en ai trouvé deux qui ont tout à fait remué le cœur des Saxons et des Hambourgeois avec ma cantate sur la mort de l’Empereur [Le Cinq Mai ou la Mort de Napoléon, composée en 1835 sur un poème de Béranger] traduite en allemand. Je vais remonter cela ici. J’aurai ces jours-ci une audience du roi de Prusse [Frédéric-Guillaume IV] à qui je vais dédier mon Traité d’instrumentation qu’on publie en ce moment à Paris. Tout le monde, Meyerbeer en tête, m’a fait l’accueil le plus empressé et le plus amical ; mais je vois devant moi deux cents sauvages à civiliser, c’est-à-dire deux cents musiciens nouveaux à instruire et j’en sue d’avance. Il n’y a rien en Allemagne d’aussi complètement bien qu’au conservatoire de Paris, mais il y a partout de l’excellent. Je dois même dire qu’en raison de la soumission des musiciens et de leur discipline aux répétitions, j’ai obtenu des résultats supérieurs sous certains rapports à ceux de Paris. Ainsi à Brunswick et à Hambourg et à Leipzig, j’ai été exécuté d’une manière irréprochable. Il y eu même des morceaux d’orchestre dits d’inspiration. Les chœurs sont en revanche partout très faibles, il y a un préjugé français en leur faveur dont il nous faut décidément revenir. Les chanteurs ténors et les femmes sont d’une médiocrité insolente ; on ne chante pas plus sottement. (Berlioz écrira cependant le contraire dans ses Mémoires). J’ai écrit ces jours derniers à mon père et à Nanci, j’espère que les détails que je leur donne leur feront plaisir. Après mes concerts d’ici, peut-être irai-je à Breslaw où l’on m’a déjà annoncé maintes fois ; et je ne suis pas trop éreinté ; sinon je retournerai à petites journées à Paris le centrum gravitatis du monde musical et de tous les mondes possibles. Adieu cher oncle, si vous m’écrivez avant le 10 avril, addressez la lettre à Berlin. Votre affactionné neveu H. Berlioz. » Berlioz, Correspondance générale, éd. P. Citron, t. VIII, n° 823 ter. Ancienne bibliothèque R. et Bernard Loliée.