logo

Arts & Autographes

Réf : 33643 LITTERATURE

150 €

Réserver

BATAILLE Henri [Vaucouleurs, 1908 - Nancy, 2008], historien et archéologue français, spécialiste de Jeanne d’Arc. Il fut le fondateur et le premier président de l’association de Sauvegarde du Patrimoine de Jeanne d’Arc à Vaucouleurs.

Pièce autographe signée

Pièce autographe signée, intitulée « La légende du gros Tilleul », dédicacée « à Louis Madelin, un modeste hommage d’un compatriote. Henri Bataille. » Sans date ; 2 pages in-4°. « Ce matin là, l’air était léger, le soleil rajeuni, c’était l’aube du jour et de l’année ; et, dans leur beffroi ajouré, les cloches de la Collégiale Notre Dame Sainte Marie de Vaucouleurs, assoupies sous la robe fraîche que leur avait mis la rosée, s’éveillèrent soudain, dans un carillon plus gai, plus claire, qui s’en alla, par dessus les toits où rodèrent les premières fumées, réveiller la population... C’est que ce fut un grand jour, ce jour là en 1428. L’Arc que découpe dans le ciel, la Porte de France, s’auréole de lumière matinale comme il devait rayonner au milieu du transport populaire quand la toute jeune Jehanne d’arc la franchit pour aller sauver la France ! Ramu, rugueux, trapu, le gros Tilleul ramasse sa noueuse membrane et cramponne ses racines au bord de l’escarpement qui domine la vallée. Il a cinq fois cent ans. Le temps a gravé cela dans sa chair en creusant son flanc jusqu’à l’écorce d’une caverne où l’on nicha une statue de pierre ! Les oiseaux s’étaient rassemblés sur les plus hauts rameaux, et coulissaient pendant que sonnaient les cloches, leurs petits yeux pleins de convoitise vers les bourgeons renflés et luisants, pleins de promesses évocateurs de nid. Or tel fut ce qui se passa, voilà cinq siècles, au vu et su des oiseaux de ce temps et de ce même tilleul qui est là : c’était le moment solennel du départ de Jehanne, le peuple de Vaucouleurs entourait l’héroïne de ses acclamations, c’était une minute de joie, unique, et l’heure de l’espoir. Le salut n’était pas encore venu, car Orléans était encore assiégée, et Charles VII encore roi de Bourges ; mais déjà la vue de cette jeune guerrière, équipée, escortée et prête à partir, c’était le salut en puissance... Tout comme ces petits bourgeons déjà renflés, déjà luisants, c’était le feuillage en puissance. […] Aussi toutes les petites feuilles, menues et sensibles, blotties au sein des bourgeons, tressaillirent dans la joie unanime, tant que sous une brise merveilleuse, venue du frémissement de l’arbre autant que de frisson des profondeurs de l’air, tout le feuillage se répandit d’un coup sur la vaste ramure, et que ce pullulement de feuillez se mit à s’agiter à la vue de la “Libératrice” comme les milliers de mains d’un peuple entier pour souhaiter bon voyage à la gente héroïne. À cet instant le cheval qu’elle allait monter, alléché par cette verdure s’approcha d’un beau tendron, le happa d’une lèvre frémissante, en broya sous sa dent le jus […]. Ce fut cette scène miraculeuse, qui répandit dans ses veines cette vigueur inouïe nécessaire à la chevauchée record de Vaucouleurs à Chinon ! ... Ainsi est la légende du gros Tilleul telle qu’elle me fut racontée le 23 février 1934 par un pinson descendu des branches à côté de moi, sur la pierre des contemplations. »