La galerie Arts & Autographes vous propose de venir voir l’exposition Marcel Pagnol qu’elle présente jusqu’au 25 janvier 2011.
A travers ses lettres, ses manuscrits, ses photographies signées, c’est tout le merveilleux monde de Marius, Topaze et Fanny qui sentent bon notre belle Provence que vous pourrez découvrir.
Le grand Raimu y a aussi sa place. Des documents fondateur de Fortunio, des lettres étonnantes, son testament sont rassemblés dans un magnifique catalogue.
Venez découvrir au 9 rue de l’Odéon, Paris 6e, cette exposition … Entrée gratuite !
Un catalogue riche en reproductions de lettres et manuscrits du célèbre écrivain et cinéaste, vous présente des lettres inédites, des correspondances riches en éclats de rires et en émotions.
Ce catalogue commence par des photographies de la région d’Aubaine, du Galarban, de la garrigue ou le petit Marcel Pagnol courait dans la nature et dont les souvenirs ont fait le succès de ses ouvrages. Ces collines constitueront ce paradis de l’enfance heureuse où se déroulent les plus beaux épisodes de ses fameux Souvenirs d’enfance.
L’exposition, bien retracée dans le catalogue, commence par le règlement de la revue Fortunio fondée par Pagnol en 1914. Le 10 février 1914, Marcel Pagnol fonde avec quelques copains de khâgne la revue Fortunio, « revue littéraire artistique et théâtrale » à Marseille. Ce document est la mise sur pied de la revue, son règlement intérieur et son mode de fonctionnement : « Art. 1er. Il est constitué entre vous et les soussignés, à la date du 1er octobre 1920 un groupe dit “Fortunio” ayant pour but la création et l’administration de la revue littéraire “Fortunio” ». Ses membres sont Jean Ballard (notre document doit être son exemplaire), Charles Brun, Marcel Pagnol, A. Pressoir, docteur Eugène Eypiès, Marcel Gras, F. Mouren.
Le 17 juin 1923, il écrit une longue lettre de 4 pages sur un papier à en-tête de la revue littéraire « Fortunio ». Longue lettre détaillée, relative à la nouvelle entreprise qu’il veut monter, fondée à Paris, sous sa seule responsabilité financière : une revue littéraire intitulée Le cahier bi-mensuel. Les nouveaux collaborateurs et associés seront Malot, Rim, Ch. Brun, Myrriam, Bourdet, Jean Garat et quelques autres. Ils seraient douze en tout. Cette revue serait mise en vente par la maison Hachette et bénéficierait de correspondants, directeurs régionaux à Saint-Étienne, Marseille, Lyon, Nice, Toulouse. Il explique ensuite l’esprit qu’il voudrait donner à la revue : « La tendance de la revue : classicisme moderne, les œuvres idéales pour nous devraient être celles que Rabelais, Montaigne, Villon eussent écrites, vivant aujourd’hui. Et surtout guerre acharnée au commerce littéraire. »
En octobre 1931, il remercie un critique pour sa lettre : « C’est un bien grand encouragement, pour un auteur dramatique […]. En général l’auteur dramatique est enfermé dans un dilemme : ou bien il écrira des pièces littéraires (on les appelle à tort littéraires, car une pièce sans valeur ne peut être littéraire et c’est mépriser fortement la littérature) c’est-à-dire des pièces qui contiennent quelques pages des manuels de philosophie à l’usage des candidats au bachot, et quelques imparfaits du subjonctif, autour d’une situation freudienne — ou bien il écrira de vraies pièces de théâtre, et alors la critique littéraire (et même dramatique) l’appellera aussitôt “fabricant” ou “fournisseur”. J’en ai fait l’expérience ». Il raconte alors le succès critique de sa première pièce Les Marchands de Gloire qui fut un four, et comment Marius a été boudé. « Pour ma prochaine pièce, naturellement, ce sera bien pire. Les dix mille représentations de Topaze, dans le monde entier, et les quatre ou cinq mille représentations de Marius, qui continue sa carrière un peu partout (surtout en Norvège, Italie, Roumanie et Amérique du Sud, dans d’excellentes traductions) — ne me facilitent guère ma tâche. Je sais que l’on m’attend au coin du bois […]. Je ne voulais plus faire jouer un seul acte. » Mais son contrat avec Volterra l’oblige à faire jouer Fanny ; il vient de relire sa pièce : « Elle est bien meilleure que Marius. Je vais y travailler encore […] j’ai la maladie d’écrire des pièces qui durent deux heures de trop, et il me faut couper cent pages. »
Le 8 novembre 1932, Pagnol et Giono signent un contrat entre la Société Les Films Marcel Pagnol et les éditions Grasset. « Les éditions Bernard Grasset cèdent à la Société Les Films Marcel Pagnol, aux conditions ci-dessous énumérées, les droits d’adaptation cinématographiques de l’un des cinq livres suivants de Giono, et un droit d’option sur les quatre autres : Colline, Regain, Un de Baumugnes, Jean le Bleu, Le Serpent d’étoiles. » La cession est consentie pour une durée illimitée.
De longues lettres, écrites avec une calligraphie parfaite, nous montrent l’évolution de Pagnol sa vie durant. Des documents de Raimu, le grand acteur et ami de Marcel Pagnol, prennent naturellement leur place au milieu des lettres de Pagnol, dont une lettre manuscrite donnant la distribution de Marius.
Il répond à une enquête sur l’art du théâtre : « Non, mon cher Maître, je n’ai pas dit que l’art du théâtre était mort, je n’ai pas dit que MOLIÈRE, RACINE, CORNEILLE, MUSSET étaient morts pour jamais ! Permettez-moi de vous faire une longue citation de mon article des Cahiers du film, et croyez que si je me cite moi-même ce n’est point par vanité : c’est pour ma défense… J’ai écrit ceci : “Le muet est mort, le théâtre est à l’agonie. Précisons : je ne veux pas dire que l’art du muet, ni que l’art du théâtre soient morts ; aucun art ne peut mourir ; aucun bouleversement social, aucune catastrophe, même géologique, ne pourra faire qu’Œdipe-Roi ou Cyrano n’aient pas été écrits. Mais une œuvre d’art ne doit pas seulement être pensée : son créateur doit la réaliser ; il faut une tonne de marbre pour sculpter la Vénus de Milo ; il faut dix bonnes livres d’or pour une coupe de Cellini ; il faut un four et du charbon pour les émaux de Palissy ». […] Si, un jour, la réalisation du MALADE IMAGINAIRE ou d’ON NE BADINE PAS AVEC L’AMOUR atteint, en quinze mois, sa vingt-cinq millième représentation, je serai content qu’on ne me dise pas que c’est impossible : si une œuvre comme Fanny a pu obtenir ce résultat, que ne peut-on espérer d’un chef-d’œuvre ? Si j’échoue, ce sera tant pis pour moi : mais il me restera l’orgueil d’avoir perdu, pour servir le théâtre, tout l’argent qu’il m’a fait gagner. »
De nombreuses lettres à Henri Alibert sont mises au grand jour : Été 1944 : « Plus je travaille à César, plus j’en suis effrayé : il y a tout à faire et à récrire. Jules m’écrit qu’il nous quittera le 3 janvier. Si Fanny peut aller jusque-là, je crois plus sage de remettre César à 1945, puisque Jules promet de le jouer. Il serait navrant de faire ma rentrée au Théâtre par un demi-four. Je ne suis pas prêt, je le vois chaque jour devant ma table. Il faut reprendre et mettre en place toute la charpente de la pièce. Je suis incapable de le faire avant Noël. Je t’envoie quand même ce que j’ai préparé, mais ce n’est pas bon. Affectueusement à toi ; Marcel »
Et cette lettre extraordinaire, pétillante de vie et de rires : Lettre signée, adressée à Henri Alibert. Paris, le 5 août 1944 : à la fin de la guerre, sur sa rencontre avec Jacqueline Bouvier, sa future femme, et sur son activité théâtrale. « Mon cher Tintin, Tu dois te demander ce que je suis devenu, depuis ce souper mémorable (pour moi) où je t’ai raconté mes malheurs. Ces malheurs sont oubliés, et je suis au moulin d’Ignères, dans la Sarthe, tout près du front, avec la plus jolie petite fille que tu aies jamais vue, et qui s’appelle Jacqueline Bouvier. (Celle qui a créé Jupiter.) Elle a un grand tort, elle a 21 ans. Ce n’est pas bête de sa part. Mais j’ai la sottise de m’approcher de la cinquantaine. Cinquantaine verdoyante et fleurie, heureusement, comme celle de Panurge. Quelqu’un lui dit qu’il a les cheveux blancs, et il répond “Moi je suis comme les poireaux, qui ont la tête blanche, mais la queue verte et raide”. Pour moi, elle n’est pas verte.
Ici nous sommes pratiquement sur le front. On voit chaque jour des centaines d’avions. Ils laissent parfois tomber des bombes tout près du moulin ; mais les plus proches sont tombées à 400 mètres. Çà m’a fait sauter dans mon lit, sans autre dommage. Le bon Dieu de la Provence m’a certainement suivi ici, ou il a tout au moins délégué quelqu’un : j’espère te revoir.
À ce moment-là que ferons-nous ? J’ai à te proposer trois choses :
1° Reprise de Marius avec Pellegrin et Jacqueline Bouvier, qui feraient un couple extraordinaire. Jacqueline, c’est Demazis à 20 ans mais un peu plus grande.
Ou
2° Reprise de Topaze avec la troupe de Monte-Carlo (Pellegrin, Jeannette Trémont, Georges Vallée, Louis Lyons).
Puis
3° Création de César avec le forçat libéré, M. Jules.
Et puisque je t’en ai proposé trois, en veux-tu une quatrième ?
Une revue, que j’écris en ce moment, avec comme vedettes M. Alibert, M. Tino, M. Fernandel, Jacqueline et les femmes que tu me désigneras.
Qu’en penses-tu ?
Là-dessus, je vous embrasse, Nénette et toi. Je te préviens tout de suite que quand tu me verras, tu ne me reconnaîtras plus. La vie à la campagne m’a donné six kilos. Mes pantalons sont devenus si petits pour moi que si une jolie fille passe sur la route, on entend “ping” dans les vitres. Ce sont mes boutons de braguette qui s’envolent.
Je t’embrasse,
Marcel »
Avril 1945, c’est sur sa candidature à l’Académie Française qu’il écrit à Alibert : « Mon cher Alibert,
Tu me rendrais un grand service, pour appuyer ma candidature à l’Académie, en reprenant Marius ou Fanny, avec ou sans notre grand Jules.
En septembre.
Affectueusement
Marcel Pagnol
Si tu ne joues que 30 fois, çà ne fait rien. »
Le testament de Pagnol clôture cette précieuse réunion de documents.
Cette exposition est à voir jusqu’au 25 janvier 2011. ©ARTS ET AUTOGRAPHES2010
ARTS ET AUTOGRAPHES
9 rue de l’Odéon
75006 PARIS
(Métro Odéon)
01 43 25 60 48
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